
Il y a deux ans, jour pour jour, le 31 juillet 2023, un décret signé de la main du président Macky Sall mettait brutalement fin à l’existence légale du parti PASTEF — Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité. Par ce geste autoritaire, le pouvoir d’alors espérait enterrer un mouvement qui dérangeait, un mouvement accusé de porter atteinte à la sécurité de l’État, mais qui portait surtout les espérances d’un peuple en quête de rupture.
Aujourd’hui, en juillet 2025, l’histoire a tranché. L’ironie est cinglante, et la revanche, éclatante. Le PASTEF, que l’on pensait dissous, a été ressuscité par la volonté populaire. Il est désormais au cœur de l’État. Son président, Ousmane Sonko, est Premier ministre de la République. Son compagnon de lutte, Bassirou Diomaye Faye, est président de la République, élu dès le premier tour avec 54 % des voix. Quant au parti lui-même, il n’a jamais été aussi vivant !
D’un décret de dissolution à une élection plébiscitaire
Le décret de dissolution du PASTEF, publié dans un contexte de tensions extrêmes, faisait suite à une vague de répression sans précédent : arrestations de responsables, interdictions de manifestations, censure des médias critiques, suspension des réseaux sociaux. On espérait ainsi briser l’élan populaire né des combats de 2021 et de la dynamique électorale de 2022. En lieu et place de l’accalmie espérée, ce fut l’étincelle de trop. La dissolution du PASTEF n’a pas été une fin. Elle fut une mue.
Privés de cadre légal, les patriotes se sont enracinés dans la société civile, les quartiers, les campagnes, les réseaux informels. Ils ont transformé l’humiliation en organisation. Ils ont opposé à la brutalité du décret la détermination calme de la résistance civique. Le pouvoir avait cru dissoudre un parti ; il a en réalité galvanisé une force historique.
Le 24 mars 2024, ce peuple interdit de voix et de visibilité est allé aux urnes. Il a élu l’idéologie même que l’on avait voulu faire taire. Il a prouvé que les décrets ne vainquent pas les idées. La dissolution a été juridiquement valide, politiquement contre-productive et historiquement suicidaire.
Quand la République retrouve la voix de ses enfants bannis
Deux ans après, l’heure n’est ni à la vengeance ni à l’amnésie. Elle est à la lucidité. Ce que nous vivons aujourd’hui, c’est le paradoxe de l’histoire : ceux qui ont été déclarés hors-la-loi gouvernent désormais avec légitimité, et ceux qui prétendaient incarner la loi sont jugés par l’Histoire, et demain peut-être par la Justice.
Il faut se souvenir. Non pour se complaire dans la douleur, mais pour préserver les leçons de cette épreuve. Le décret du 31 juillet 2023 fut une trahison de l’État de droit, une insulte à la mémoire démocratique du Sénégal. Il faut aujourd’hui le relire comme on relit un arrêt d’infamie, une folie d’ancien régime.