Allocution de Mme Rebekka Grun – Responsable du secteur « Développement humain » au Bureau régional de la Banque mondiale (Sénégal, Mauritanie, Gambie, Guinée-Bissau, Cabo Verde)

Mesdames, Messieurs;
Au nom du Groupe de la Banque mondiale, je tiens tout d’abord à féliciter Monsieur le Secrétaire Exécutif du Conseil National de Sécurité Alimentaire ; et à travers lui, toute l’équipe gouvernementale œuvrant dans la lutte contre l’insécurité alimentaire au Sénégal, pour le travail remarquable accompli ces dernières années.
Nous le savons, les départements de Matam, Kanel, Ranérou et Goudiry font face à une pauvreté chronique et une forte vulnérabilité, induites par les chocs climatiques. Des études ont montré que les ménages dans ces départements sont exposés au risque de se trouver dans une situation d’insécurité alimentaire et nutritionnelle récurrente. D’où l’importance pour le gouvernement du Sénégal de disposer de systèmes de protection sociale capables d’atténuer fortement, ce risque dans le cadre d’une stratégie de lutte contre la pauvreté et de renforcement de la résilience des populations à long terme.
Avec le Registre national unique, RNU, les transferts monétaires et les réseaux de mise en œuvre sur le terrain, le Sénégal a une expérience solide et à grande échelle de la mobilisation des outils de protection sociale pour la réponse aux chocs.
Dans un contexte où les ménages sont fragilisés par la récurrence des chocs, qu’ils soient d’ordre économiques ou climatiques menace le risque d’une forte montée des prix en lien notamment avec la guerre en Ukraine; il apparait important de compléter les modalités de réponse actuelle par des interventions de réponse mises en œuvre de façon précoce et sur une durée plus longue.
Des études menées sur la base de données ménages collectés au sein de plusieurs pays de la sous-région dont le Sénégal montrent l’importance de la saisonnalité dans la vie des ménages et en particulier des ménages ruraux. La saisonnalité, même dans une année sans choc de grande ampleur, entraine une forte baisse de la consommation alimentaire et non alimentaire des ménages ruraux au Sahel et au Sénégal, mettant ces ménages à risque d’insécurité alimentaire ou de malnutrition. Les effets de la saisonnalité se font sentir dès avril et son impact augmente jusqu’aux prochaines récoltes. La soudure étant un phénomène qui se produit chaque année, il est possible de l’anticiper et de déployer des réponses précoces afin de protéger les ménages pauvres avant qu’ils n’aient recours à des stratégies d’adaptations négatives et avant qu’ils n’aient besoin de réduire leurs dépenses alimentaires.
En cas de choc, il est également possible de mettre en œuvre des réponses précoces comme l’ont fait certains pays encore plus exposés, tels que le gouvernement du Niger cette année, en basant son programme de réponse sur des données satellitaires mesurées en fin de la saison des pluies 2021 et permettant le déploiement d’un programme de transferts monétaires de réponse aux chocs dès le mois de février 2022, soit 4 mois avant le début de la soudure.
Le Sénégal dispose d’un large registre social et d’une grande expérience dans le déploiement de programmes de transferts monétaires notamment par paiements mobiles. Ce sont deux atouts importants permettant d’envisager un système de protection sociale adaptatif complet qui combine à la fois des programmes de transferts monétaires visant à soutenir les ménages chroniquement pauvres mais qui puisse être étendu en cas de chocs sur la base de critères et de protocoles définis à l’avance pour permettre une réponse rapide.
Ainsi, il est important que les divers acteurs encouragent les efforts du Gouvernement du Sénégal afin que la réponse aux chocs récurrents puisse être couverte par les systèmes gouvernementaux en place, et selon une stratégie de long-terme ; et que l’aide humanitaire puisse se concentrer sur les crises de grande ampleur. Comme le souligne le rapport Pulse sur la situation économique en Afrique publié par la Banque mondiale le 13 avril dernier, il est crucial de développer des programmes de protection sociale au-delà des filets de protection sociale, en investissant particulièrement sur la maitrise de l’eau et la recherche et le développement agricole afin de bâtir une agriculture intelligente au climat pour renforcer la résilience économique et la capacité de faire face aux chocs, en particulier pour les ménages pauvres et vulnérables.
La Banque mondiale renouvelle sa disponibilité et son engagement à accompagner l’Etat du Sénégal dans la conduite des reformes prioritaires du système de protection sociale et la transformation structurelle du secteur agricole du Sénégal pour atteindre les objectifs de lutte contre l’insécurité alimentaire, condition nécessaire pour la croissance économique inclusive visée par Plan Sénégal Emergent.
Je vous remercie de votre aimable attention.
Dakar 21 avril 2022