FRANC CFA : ENTRE VIE, SURVIE ET VUE DE L’ESPRIT…

Dans une tribune, remontant au 23 janvier 2018 et faisant suite à une de mes missions à Abuja sur la future monnaie ouest-africaine, j’ai parlé du franc CFA. Elle a été publiée dans un célèbre réseau professionnel afin de sonner l’heure du grand réveil studieux…
À l’époque, à travers la tribune, j’ai voulu secouer le grand public mais l’inviter surtout à sinscrire << dans la marche du débat sur le franc CFA >>. Car, dans cette marche, j’ai trouvé pire que le franc CFA. Ce sont les APE qui, immanquablement, vont mettre à genou nos économies en rendant passifs nos acteurs économiques [paysans, pêcheurs…]. D’abord, restons sur la question du franc CFA.


La monnaie, depuis plus de cinquante ans, fait l’objet d’un vif débat sur son maintien ou sa suppression. Mais, je trouve que sa suppression relève d’un faux débat. Elle ne serait que pour certains une question de fierté africaine et non la résultante aussi bien d’une analyse économique pertinente que de la capacité des dirigeants de la Cedeao à ne plus décréter une monnaie commune mais à réaliser une intégration monétaire.
Si l’on prend l’exemple du Nigeria [mauvais élève AUJOURD’HUI mais HIER première puissance économique de l’Afrique devant LE CAIRE et JOHANNESBURG], avec son fameux NAIRA, il est fréquent d’assister à des dévaluations en permanence de cette monnaie à cause d’un manque criard de devise pour maintenir son cours à un niveau stable par rapport aux autres devises. À titre illustratif, si un acteur économique nigérian veut boucler une opération d’importation, il doit nécessairement acheter des devises auprès de la banque centrale du Nigeria.
Processus qui peut prendre beaucoup de temps et qui ralentit toujours l’activité économique du pays. On le sait : la force d’une monnaie c’est d’allier en même temps SÉCURITÉ et RAPIDITÉ. Quand on perd l’une d’elles, on cesse d’être compétitif. Le cas récent est que, malgré sa situation de pays exportateur de pétrole, L’ÉTAT NIGÉRIAN était pendant des mois durant en situation de cessation de paiement. Contrairement au NAIRA nigérian, le franc CFA ne souffre d’aucune compétitivité. C’est une bonne monnaie, avec un excellent taux de couverture.
Non seulement, les pays de l’espace UEMOA peuvent pendant plusieurs mois soutenir le rythme des importations sans aucune difficulté mais aussi ils ont un système bancaire assaini du fait de la réglementation rigoureusement appliquée par la Bceao [l’une des rares structures encore debout et n’ayant pas connu de problème de fonctionnement].
Pour le comprendre, il suffit de compter le nombre de banques nigérianes qui se sont installées ou qui veulent exister dans l’espace UEMOA.
Les agréments d’installation ne cessent de s’accumuler auprès de l’institut d’émission qu’est la banque centrale.
Aux banques nigérianes, s’ajoutent les banques marocaines comme le groupe ATTIJARI et BOA, filiale de la BMCE. Ce qui justifie l’attractivité de l’environnement monétaire.


Parallèlement, dans ses fonctions monétaires, la BCEAO participe au financement du développement de nos États en leur dotant d’une banque de développement, la BOAD, à l’instar de la BAD.
L’autre remarque est que la BCEAO a créé un marché financier permettant aux États de lever rapidement des fonds tout en en assurant le bon déroulement.
En même temps, la banque centrale assure bien le suivi de nos relations avec le fonds monétaire.
Le règlement de toutes les cotisations des États membres auprès du Fmi [ne souffrant d’aucun retard sévèrement sanctionné par cette institution de Bretton Woods] est fait par l’institut d’émission contrairement à d’autres pays, non membres de l’espace UEMOA, qui rencontrent d’énormes difficultés de cotisation et d’accès aux ressources du FMI.
On semble l’oublier mais le fait est si important qu’il faille le souligner : dans les années 80, au moment où nos États avaient des accords avec le FMI, c’est la BCEAO qui assurait ou finançait l’essentiel des dépenses de nos États par le biais du « DÉCOUVERT STATUTAIRE« , leur facilitant le paiement des salaires, une partie du remboursement de la dette extérieure et de l’approvisionnement de certaines représentations diplomatiques.
La dernière remarque est qu’à l’opposé de l’Europe qui a commencé par une intégration économique avant de déboucher sur une controversée integration monétaire autour de L’EURO, l’espace Uemoa a commencé par le plus difficile [l’intégration monétaire] et peut bel et bien terminer par ce qui est le plus facile, c’est à dire : concrétiser son projet d’intégration économique autour de son franc CFA.
Mais, cela ne pourrait se faire que sur la base d’une condition : amener l’espace UEMOA à trouver une solution face aux APE et à l’incapacité de nos vaillants producteurs à exister sur le marché de l’offre tenu et entretenu par une communauté de producteurs européens dont les activités sont gracieusement subventionnées.
Justement, tout le débat est à ce niveau… À ce niveau seulement.
Car, avec les APE déjà signés par la Côte d’Ivoire et le Sénégal, nos structures économiques seront destructurées par une nouvelle forme européenne de domination. C’est une grosse erreur commise par nos parlements d’avoir accepté étant entendu que les APE, c’est comme le défunt STABEX qui était créé pour stabiliser les recettes d’exportation de nos États face à la baisse tendancielle du cours des matières premières. Aujourd’hui, l’heure est au réveil. Non seulement, on ne doit pas accepter que l’Europe nous déverse tout son trop-plein à recycler en Afrique. Mais aussi, doit cesser le rôle négatif que jouent nos élites politiques, surtout dans la nébuleuse gestion de nos budgets en terme de leur détermination fiable et de leur exécution. Sans compter ces fameuses et nombreuses caisses : noires ou blanches.


En fait, je ne dis pas non à une monnaie africaine mais je préviens sur son instabilité.


Issa Thioro Gueye,
Editorialiste, Promoteur du « MADE BY SENEGAL », Ecrivain, auteur aux Ed. Harmattan

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